
A RIVALITÉ entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac prend parfois d'étranges détours géographiques et culturels. Selon l'hebdomadaire Paris Match du 15 janvier, le ministre de l'intérieur s'est interrogé, au cours de son voyage en Chine, sur la passion suscitée par le sumo, sport préféré de Jacques Chirac et des Japonais. « Comment peut-on être fasciné par ces combats de types obèses aux chignons gominés », a-t-il confié à quelques journalistes, avant d'ajouter : « Ce n'est vraiment pas un sport d'intellectuel, le sumo ! » L'épisode s'est déroulé dans un restaurant très chic de Hongkong, le 9 janvier, où M. Sarkozy faisait étape dans le cadre de son voyage officiel en Chine.
Entre brochettes au gingembre et sauce aigre-douce, le ministre aurait eu quelques commentaires - acides - sur d'autres fleurons de la culture japonaise. Les jardins impériaux de la ville de Kyoto ? Il les a trouvés « sinistres ». Puis, le ministre a rendu un hommage appuyé à François Mitterrand et à l'Egypte, où le défunt président de la République passa plusieurs fois des vacances dans un hôtel d'Assouan, dans lequel M. Sarkozy a séjourné en famille, pour les fêtes de fin d'année : « Lui, au moins, il avait du goût ! »
Choc des mots ou malice du hasard, le même numéro de Match reproduit des propos présidentiels tenus en marge des voeux, dans lesquels M. Chirac redit sa passion pour cette forme ancestrale de lutte. « Je regarde toujours autant de matches, confesse le président de la République auquel la chaîne Eurosport a fait le cadeau de cassettes commentées par un journaliste allemand. « J'ai trouvé ça tellement génial que je me suis empressé de les faire dupliquer et de les envoyer à Schröder », a assuré le chef de l'Etat.
A l'Elysée, « on ne veut pas croire que M. Sarkozy tienne, en privé, des propos totalement inverses de ceux qu'il tient en public ». « Quand les deux hommes se rencontrent, explique un conseiller, il règne un climat courtois et professionnel tandis que dans la presse on dit des phrases incroyables. » L'association Bretagne-Japon s'est émue : « C'est effarant, a dit son secrétaire général, après les fourmis d'Edith Cresson, un nouveau ministre de la République perd les pédales à son tour. » En juillet 1991, Mme Cresson, alors premier ministre, avait comparé les Japonais à des « fourmis ».
Au ministère de l'intérieur, l'affaire suscite quelque embarras. Un proche de M. Sarkozy, qui était du voyage en Chine, dément avoir entendu de tels propos : « Nicolas ne parle que des sports qu'il aime : le cyclisme, le football. » Depuis le début de la semaine, M. Sarkozy et son entourage s'efforçaient d'instaurer une trêve avec l'Elysée. Raté ?
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Pascal Ceaux et Béatrice Gurrey